Intervenants |
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Bernard Pau (créateur de I2T SA) |
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Fabrice Hoff (créateur de Ludiformation) |
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Denis Pierre (créateur d'entreprise) |
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Bernard Pau
Il
n’y a pas de création d’emploi sans création
de valeur économique, qui elle-même ne peut exister sans
création d’innovation, sans un développement
soigneux d’inventions faites en amont de cette création
de valeur médicale par la recherche. Mais il n’y a pas
de possibilité de déclenchement de cercle de valeur
sans mise de fonds au départ.
Différentes
situations se présentent :
Quand
cette invention première est faite déjà dans
l’entreprise, la plus-value créée par la mise sur
le marché de l’invention va être elle-même
génératrice de réinvestissement recherche, ce
qui est excellent.
Quand
cette première création est faite au sein de la
recherche publique, et qu’on parvient à la céder
à un partenaire industriel développeur, le chaînage
de la création de valeur est respecté. Mais c’est,
dans notre domaine médical, rarement faisable, car le lien
entre la découverte qui justifie tout effort d’innovation
est extrêmement ténu. Le continuum de ce mouvement
recherche - création - innovation - développement
- produit n’existe pas suffisamment.
Il
faut donc créer des métiers nouveaux, au lieu de rester
avec ces inventions qui ne peuvent pas être développées.
Face
à ces difficultés, nous avons envisagé de créer
un nouvel outil : la petite entreprise a sa place là où
il y a un manque ; c’est une leçon reçue de
la recherche publique où il y a embouteillage, et problème
de financement.
Il
a eu l’occasion, il y a 5 ans, de créer à partir
du Laboratoire de Montpellier une première entreprise :
Innovation
Diabète (Innodia) : il n’était pas sûr
que la molécule identifiée soit la bonne, maintenant,
on en a acquis la certitude. Cette idée a été
développée, malheureusement ils n’ont pas pu en
garder la gouvernance en France : cette entreprise qui compte 50
salariés, est actuellement à Montréal, ce qui
est frustrant.
C’est
pour cela qu’il a créé l’Institut
d’Innovation Thérapeutique, afin d’accélérer
le transfert de l’innovation car l’itinéraire, de
la découverte fondamentale jusqu’à la mise sur le
marché est extrêmement compliqué, moins de 1 %
des projets aboutit.
C’est
pourtant un domaine qui est promis à un développement
régulier dans les 50 prochaines années –marché
de 400 milliards d’Euros aujourd’hui-. La grande
difficulté est la faute de moyens conséquents : si
les sommes que dépensent les groupes ont triplé depuis
quinze ans, les mises sur le marché ont baissé. Il y a
donc une inquiétude sur le long terme.
Les
groupes pharmaceutiques se tournent de plus en plus vers la
recherche académique, en complément de leurs efforts
industriels, pour recruter des innovations prometteuses afin de les
développer en médicaments.
Les
régions ont été dotées d’aides :
l’ANVAR par exemple a accordé une aide à mon
laboratoire en 1998 de 500 KF qui a permis que notre projet
aboutisse. Cela fonctionne bien, mais ce n’est pas
suffisant, car la recherche publique n’a pas vocation à
financer ce cursus qui va de la découverte à la
préparation de l’entrée en clinique chez l’homme
(au moins 5 ans), la probabilité de mise sur
marché 1% ; personne ne peut investir à ce stade
Résultat :
aujourd’hui, la recherche publique est à l’origine
de plus de 150 brevets, mais il se finance chaque année moins
de 5 nouvelles jeunes entreprises, alors qu’une quinzaine de
projets mériteraient qu’une chance leur soit donnée.
Fabrice
Hoff - Ludiformation
Son
parcours : il a suivi la filière SHS à Montpellier
-psychologie sociale du travail- jusqu’au DESS, puis, ne
se sentant pas prêt à aborder le marché du
travail, il a commencé sa thèse, qu’il a ensuite
mise de côté, notamment pour des problèmes de
financement (fréquents dans la filière SHS).
Il
s’est inspiré du sujet de sa thèse -le jeu comme
outil d’apprentissage- pour créer sa société
de formation il y a un peu plus d’un an et il en retire une
grande satisfaction, car cela lui permet de continuer à
travailler sur son thème de recherche, tout en ayant une
activité qui lui plaît.
Il
ne faut donc pas hésiter à se lancer, c’est
évidemment un gros travail, il faut savoir faire le lien
avec les travaux effectués pour la thèse ;
l’avantage, c’est que les doctorants/docteurs savent
concrétiser leurs idées, travailler en réseau,
ce qui n’est pas donné à tout le monde, ce sont
des professionnels autonomes, et pas uniquement des
spécialistes.
Certes,
créer son entreprise demande la mise au point de beaucoup de
choses, mais c’est le travail qu’on fait pour la
thèse...
Son
message : c’est une possibilité qui est ouverte aux
doctorants et docteurs, cela vaut la peine d’essayer cette
voie.
Question
Bernard
Pau : quelles ont été les principales
difficultés ?
L’argent...
Pendant que le projet mûrit, il faut vivre : emprunter,
chercher les organismes qui peuvent apporter des financements.
Dans
son cas, il a bénéficié de l’aide à
la création d’entreprises qui permet l’exonération
des charges la première année, parfois la
seconde, du maintien des indemnités Assedic , ainsi
qu’une aide financière de la part de sa famille.
La
création d’une entreprise, c’est la concrétisation
d’une passion, c’est difficile mais pas insurmontable. Il
faut savoir que les entreprises créées par les docteurs
sont en général plus viables que d’autres ;
se mettre à son compte demande beaucoup d’énergie,
mais c’est tout à fait possible !
Denis Pierre
Après
sa thèse, il est entré dans une PME pour l’étude
de faisabilité d’un projet EUREKA, qui a bien démarré,
soutenu par l’ANVAR, d’autres projets ont vu le jour.
Mais l’entreprise a mal vécu son développement
(problèmes de management). Aussi, lui et deux collègues
ont envisagé la création de leur propre société,
ce qui leur a été déconseillé, pour des
questions de concurrence. La PME a ensuite déposé
le bilan, ce qui les a placés dans de bonnes conditions
pour reprendre leur projet : allocations chômage, des
idées, des collaborations universitaires, un réseau
d’industriels, eux-mêmes issus de la recherche publique,
qui offre des conditions relativement aisées pour la création
d’entreprise.
Ils
ont commencé à travailler sur leur projet en 2003, à
temps plein : développement d’outils, création
d’une structure, de sites pilotes. Ils ont mis au point un
outil de gestion de la cohérence dans les systèmes
complexes : recherche de leur fonctionnement pour essayer d’en
définir une pratique, (par exemple dans le domaine médical,
collaboration avec des cancérologues pour adapter les
meilleurs traitements qui soient). Leur activité se situe dans
le domaine du droit (harmonisation de pratiques juridiques), la
gestion d’informations, notamment sur la sécurité,
dans le milieu de la santé, afin de définir une
adéquation entre un utilisateur et son activité.
Le
parcours : accompagnement par le CEEI de Montpellier, puis par
LRI, et également co-incubation à Marseille par Belle
de Mai, incubateur spécialisé dans la gestion de
contenus numériques. Ils ont obtenu un financement du
Ministère de la Recherche pour mener à bien les études
de marchés, ils sont hébergés par le CNRS depuis
15 mois. Sur le plan financier, il ont été lauréats
du concours « Création d’entreprise
innovante » du Ministère de la Recherche, et reçu
une subvention de l’ANVAR.
En
conclusion : il a donc changé de métier, il est
désormais responsable d’une structure dans laquelle il
joue de multiples rôles : président, directeur
technique, commercial, DRH, c’est passionnant.
En
revanche, il n’a pas modifié son projet professionnel :
c’est la suite logique d’une aventure qui a commencé
avec la thèse, un intérêt important pour les
activités de recherche, pour le fait de créer quelque
chose.