14 heures 45 – 15 heures 30 Témoignages « Les Docteurs créateurs »

Intervenants 

-

Bernard Pau (créateur de I2T SA)


-

Fabrice Hoff (créateur de Ludiformation)


-

Denis Pierre (créateur d'entreprise)


Mr Fabrice HOFF
Mr Bernard PAU

Bernard Pau
Il n’y a pas de création d’emploi sans création de valeur économique, qui elle-même ne peut exister sans création d’innovation, sans un développement soigneux d’inventions faites en amont de cette création de valeur médicale par la recherche. Mais il n’y a pas de possibilité de déclenchement de cercle de valeur sans mise de fonds au départ.

Différentes situations se présentent :
Quand cette invention première est faite déjà dans l’entreprise, la plus-value créée par la mise sur le marché de l’invention va être elle-même génératrice de réinvestissement recherche, ce qui est excellent.
Quand cette première création est faite au sein de la recherche publique, et qu’on parvient à la céder à un partenaire industriel développeur, le chaînage de la création de valeur est respecté. Mais c’est, dans notre domaine médical, rarement faisable, car le lien entre la découverte qui justifie tout effort d’innovation est extrêmement ténu. Le continuum de ce mouvement recherche - création  - innovation - développement - produit n’existe pas suffisamment.
Il faut donc créer des métiers nouveaux, au lieu de rester avec ces inventions qui ne peuvent pas être développées.
Face à ces difficultés, nous avons envisagé de créer un nouvel outil : la petite entreprise a sa place là où il y a un manque ; c’est une leçon reçue de la recherche publique où il y a embouteillage, et problème de financement.
Il a eu l’occasion, il y a 5 ans, de créer à partir du Laboratoire de Montpellier une première entreprise :
Innovation Diabète (Innodia) : il n’était pas sûr que la molécule identifiée soit la bonne, maintenant, on en a acquis la certitude. Cette idée a été développée, malheureusement ils n’ont pas pu en garder la gouvernance en France : cette entreprise qui compte 50 salariés, est actuellement à Montréal, ce qui est frustrant.

C’est pour cela qu’il a créé l’Institut d’Innovation Thérapeutique, afin d’accélérer le transfert de l’innovation car l’itinéraire, de la découverte fondamentale jusqu’à la mise sur le marché est extrêmement compliqué, moins de 1 % des projets aboutit.
C’est pourtant un domaine qui est promis à un développement régulier dans les 50 prochaines années –marché de 400 milliards d’Euros aujourd’hui-. La grande difficulté est la faute de moyens conséquents : si les sommes que dépensent les groupes ont triplé depuis quinze ans, les mises sur le marché ont baissé. Il y a donc une inquiétude sur le long terme.
Les groupes pharmaceutiques  se tournent de plus en plus vers la recherche académique, en complément de leurs efforts industriels, pour recruter des innovations prometteuses afin de les développer en médicaments.
Les régions ont été dotées d’aides : l’ANVAR par exemple a accordé une aide à mon laboratoire en 1998 de 500 KF qui a permis que notre projet aboutisse. Cela  fonctionne bien, mais ce n’est pas suffisant, car la recherche publique n’a pas vocation à financer ce cursus qui va de la découverte à la préparation de l’entrée en clinique chez l’homme   (au moins 5 ans), la probabilité de  mise sur marché 1% ; personne ne peut investir à ce stade
Résultat : aujourd’hui, la recherche publique est à l’origine de plus de 150 brevets, mais il se finance chaque année moins de 5 nouvelles jeunes entreprises, alors qu’une quinzaine de projets mériteraient qu’une chance leur soit donnée.

Fabrice Hoff - Ludiformation
Son parcours : il a suivi la filière SHS à Montpellier  -psychologie sociale du travail- jusqu’au DESS, puis, ne se sentant pas prêt  à aborder le marché du travail, il a commencé sa thèse, qu’il a ensuite mise de côté, notamment pour des problèmes de financement (fréquents dans la filière SHS).
Il s’est inspiré du sujet de sa thèse -le jeu comme outil d’apprentissage- pour créer sa société de formation il y a un peu plus d’un an et il en retire une grande satisfaction, car cela lui permet de continuer à travailler sur son thème de recherche, tout en ayant une activité qui lui plaît.
Il ne faut donc pas hésiter à se lancer, c’est évidemment un gros travail, il faut savoir faire le  lien avec les travaux effectués pour la thèse ; l’avantage, c’est que les doctorants/docteurs savent concrétiser leurs idées, travailler en réseau, ce qui n’est pas donné à tout le monde, ce sont des professionnels autonomes,  et pas uniquement des spécialistes.
Certes, créer son entreprise demande la mise au point de beaucoup de choses, mais c’est le travail  qu’on fait pour la thèse...
Son message : c’est une possibilité qui est ouverte aux doctorants et docteurs, cela vaut la peine d’essayer cette voie.

Question
Bernard Pau : quelles ont été les principales difficultés ?
L’argent... Pendant que le projet mûrit, il faut vivre : emprunter, chercher les organismes qui peuvent apporter des financements.
Dans son cas, il a bénéficié de l’aide à la création d’entreprises qui permet l’exonération des charges  la première année, parfois la seconde, du maintien des indemnités Assedic , ainsi qu’une aide financière de la part de sa famille.
La création d’une entreprise, c’est la concrétisation d’une passion, c’est difficile mais pas insurmontable. Il faut savoir que les entreprises créées par les docteurs sont en général plus viables que d’autres ;  se mettre à son compte demande beaucoup d’énergie, mais c’est tout à fait possible !

Denis Pierre
Après sa thèse, il est entré dans une PME pour l’étude de faisabilité d’un projet EUREKA, qui a bien démarré, soutenu par l’ANVAR, d’autres projets ont vu le jour. Mais l’entreprise a mal vécu son développement (problèmes de management). Aussi, lui et deux collègues ont envisagé la création de leur propre société, ce qui leur a été déconseillé, pour des questions de concurrence. La  PME a ensuite déposé le bilan,  ce qui les a placés dans de bonnes conditions pour reprendre leur projet : allocations chômage, des idées, des collaborations universitaires, un réseau d’industriels, eux-mêmes issus de la recherche publique, qui offre des conditions relativement aisées pour la création d’entreprise.
Ils ont commencé à travailler sur leur projet en 2003, à temps plein : développement d’outils, création d’une structure, de sites pilotes. Ils ont mis au point un outil de gestion de la cohérence dans les systèmes complexes : recherche de leur fonctionnement pour essayer d’en définir une pratique, (par exemple dans le domaine médical, collaboration avec des cancérologues pour adapter les meilleurs traitements qui soient). Leur activité se situe dans le domaine du droit (harmonisation de pratiques juridiques), la gestion d’informations, notamment sur la sécurité, dans le milieu de la santé, afin de définir une adéquation entre un utilisateur et son activité.
Le parcours : accompagnement par le CEEI de Montpellier, puis par LRI, et également co-incubation à Marseille par Belle de Mai,  incubateur spécialisé dans la gestion de contenus numériques. Ils ont obtenu un financement du Ministère de la Recherche pour mener à bien les études de marchés, ils sont hébergés par le CNRS depuis 15 mois. Sur le plan financier, il ont été lauréats du concours « Création d’entreprise innovante » du Ministère de la Recherche, et reçu une subvention de l’ANVAR.
En conclusion : il a donc changé de métier, il est désormais responsable d’une structure dans laquelle il joue de multiples rôles : président, directeur technique, commercial, DRH, c’est passionnant.
En revanche, il n’a pas modifié son projet professionnel : c’est la suite logique d’une aventure qui a commencé avec la thèse, un intérêt important pour les activités de recherche, pour le fait de créer quelque chose.